356             MEMOIRES DE PIERRE DE LESTOILE.
qu'il n'avoit seulement songé à lui escrire. Et ainsi fust descouvert et éludé l'artifice des Seize, lesquels avoient dressé et supposé ceste lettre de faveur pour faire plaisir à leur compagnon.
Le mecredi dix-septieme de ce mois, nostre maistre Ceuilli prescha qu'il y avoit eu des gens de bien qui avoient pris de l'argent du roi d'Hespagne £ et encores que beaucoup de bons colonnels et capitaines de Paris en eussent refusé, toutefois qu'on estoit tous les jours aprés eux pour leur en faire prendre,et qu'on esperoit qu'en fin ils en prendroient. Le curé de Saint-André dit qu'il ne sçavoit quelle difficulté quelques uns fai­soient d'en prendre : quant à lui, qu'on ne lui en avoit jamais offert (0; mais que si on lui en eust presenté, possible en eust-il pris. De dire qu'en prenant on s'o-bligeoit, qu'il estoit vrai; mais qu'on ne s'obligeoit à rien qui ne fust bon : car pour son regard de lui, il vouloit bien qu'on sceust qu'il aimoit mieux avoir l'Hes-pagnol catholique pour roy que non pas l'hérétique Bearnois; et que ceux qui estoient de contraire opinion estoient vrais heretiques et politiques.
Les soldats, d'autre costé, crioient tout haut, et se plaingnoient que les pensions particulieres d'Hespagne estoient paiées à Paris devant les leur. Dom Alexandre, colonnel des Neapolitains, le dit publiquement en plain corps de garde.
Ce jour, les faux bruits suivans furent semés à Paris: que le chasteau d'Angers estoit rendu; que le diable avoit rompu le col aux garnisons de Chartres; que le cardinal de Gondi estoit à Melun, et qu'on l'y avoit
(-) On ne lui en avoit jamais offert; JI recevoit une pension et un or­dinaire de madame de Nemours.
Digitized by